Le blog des Alex d'or !
Car on ne rédige pas que des tests !
Interview de Tohisu, Alex Or de 2017-2018
Par Élogio
le 12/06/2019
5 commentaires
Bonjour Tohisu, pourrais-tu te présenter rapidement aux lecteurs qui n'auraient pas encore entendu parler de toi ?

Je suis un mec random qui a participé à deux des Alex d'Or : celui de 2014 et celui de 2018. Je suis le créateur de "Sins of Era", jeu ayant remporté les Alex d'Or 2018. J'aime la nature, les faritas et faire des blagues plus que douteuses. (Ceux qui se souviennent du tout premier nom de mon jeu comprendront de quoi je parle.)



Comment as-tu découvert RPG Maker ?

Je m'en rappelle comme si c'était il y a 4 ans et 8 mois: je me baladais dans les méandres de Steam quand soudain vis-je un logiciel en promotion à -75% : "RPG Maker VX Ace".
"Quel aubaine!" me dis-je, "Moi qui passe le plus clair de mon temps à me faire ch#@% en dehors du travail, voilà qui pourrait m'aider à tuer le temps d'une manière constructive!"
Je tourne autour du logiciel pendant une bonne heure. "Quels sont les possibilités? En vaut-ce vraiment le coup?"
Quelques vidéos et images parviennent à me faire craquer : aussi fis-je péter la carte bleu. Il est vrai que depuis que j'ai 9 ans, je passe énormément de temps sur tous les éditeurs de carte proposés par de grands jeux tel que Warcraft, Starcraft, Time Splitter et autre. Ajoutant à cela le fait que les RPG Japonais ont occupés une grande partie de mon enfance, la tentation était doublée.

Quel ne fût pas mon émerveillement lorsque je fis mes premiers pas dans ce monde merveilleux et incompris (et parfois malpropre) qu'est RPG Maker: des heures à essayer de faire parler et interagir les PNJs, à tester les possibilités des combats, à ajouter des musiques bien trop connues comme celle de FF9... J'en avais quasiment fait une nuit blanche.


Lorsque tu as présenté Sins of ERA au concours en 2014, tu disais vouloir "rendre honneur à la génération 1993-1997", comment est née l'origine du projet et qu'elles étaient plus précisément tes sources d'inspiration/de motivation ?

Tester mes capacités et tenter de reproduire un genre que j'appréciais énormément pendant mon enfance.
Comme dis dans la question précédente, j'adore les J-RPG classiques de l'époque de la Super Nintendo, et je trouve (personnellement) que c'est un genre qui se perd (le premier qui me parle de Bravely Default je l'égorge dans son sommeil). Ses codes étant très simples à comprendre et retranscrire, j'ai tenté de développer une expérience proche des jeux tels que Golden Sun, Final fantasy 6 ou Chrono Trigger pour ne citer qu'eux.


Sins of Era en 2014 lors de sa première participation au concours.


En 2014 le jeu n'est finalement pas nommé, les jurés lui reprochant principalement d'être trop court. Comment s'est passé le développement du jeu entre 2014 et ta seconde participation lors de la session 2017-2018? L'expérience des Alex d'Or t'avait-elle offert des pistes d'amélioration ?

J'avais commencé à développer mon premier jeu avant de connaître les Alex d'Or. À cette époque je faisais plus connaissance avec le logiciel qu'autre chose: je testais à la fois les possibilités de RPG Maker et aussi mes propres capacités à créer mon jeu. Je vis la possibilité de participer aux Alex d'Or comme une occasion de recevoir des regards extérieurs sur mon projet.

Une des capacités qu'un développeur se doit d'avoir est l'auto-critique.


Une propriété qui peut paraître simple aux premiers abords mais qui en réalité est très difficile à maîtriser. Il faut à la fois savoir faire preuve d'objectivité envers ce que l'on crée, mais aussi être critique d'une manière constructive et ne pas avoir peur de tout reprendre de zéro. Très souvent, les gens qui créent pour la première fois (et je parle même en dehors de RPG Maker) sont aveuglés par leur objectif, leur point de vue trop prononcé (c'était principalement mon cas) ou même leur fierté. Les regards extérieurs peuvent aider à se "réveiller", du moment que ces derniers sont faits avec un minimum de pertinence et d'objectivité.

Les Alex d'Or remplirent parfaitement cette fonction, car je pus, grâce aux défauts et faiblesses décrits dans les tests, améliorer grandement mon jeu. Les retours furent cependant plutôt positifs et encourageant dans l'ensemble.

Ce n'est que lorsque RPG Maker MV sortit que je décidais de tout reprendre à zéro, les possibilités offertes par ce nouveau logiciel étant bien plus grandes. Il y avait aussi le fait que je voulais améliorer mon jeu, aussi bien graphiquement que scénaristiquement.

Lorsque j'inscrivis pour la seconde fois mon jeu aux Alex d'Or, j'étais beaucoup plus impatient de recevoir les commentaires que la première fois. Je ne me préoccupais pas de gagner, je voulais juste des avis.


Finalement en 2018, Sins of Era remporte notamment l'award du Meilleur Jeu Or. Une belle revanche pour toi. Comment as-tu vécu cette victoire? Tu redoutais des concurrents ou tu étais davantage confiant en ta victoire qu'en 2014 ?

Lorsque je m'inscrivis une seconde fois aux Alex d'Or, je ne me préoccupais ni de la victoire ni des projets de autres. C'était surtout l'accueil qui me préoccupait.
Une fois encore, ce qui a le plus de valeur à mes yeux, ce sont les commentaires, aussi bien positifs que négatifs.
Qu'est-ce que le joueur a le plus apprécié? Qu'est-ce qu'il regrette? Qu'est-ce qui le frustre? A-t-il apprécié l'expérience d'une manière générale?

Le commentaire qui me fit le plus plaisir (je ne sait plus si c'était pour mon premier ou second projet, ni qui l'écrivit) fût une remarque vis-à-vis de la fierté que le joueur avait eu de vaincre un boss difficile. C'était un des objectif principaux, et le fait de lire ce commentaire sous-entendait que je l'avais atteint.

Je ne vis pas cette victoire comme une revanche, mais ce fût une bonne surprise, malgré les défauts évidents de mon projet.


L'award de la session 2017-2018 remis à Sins of Era.


Tu as pu participer à deux sessions très différentes, comment parlerais-tu de ton expérience aux Alex d'Or ?

Très positive et instructive. Ces participations ont clairement influencé la direction du développement du jeu, et dans le bon sens (je l'espère).


Où en est le projet Sins of Era aujourd'hui? Tu envisagerais de reprendre le jeu de zéro. Cette remise en question malgré ta victoire au concours peut surprendre, comment l'expliques-tu ?

J'ai effectivement tout repris à zéro. Il y a énormément de choses améliorable dans mon projet.
Je trouve par exemple que le scénario est un peu trop quelconque: c'est un peu trop expédié, les personnages ne sont pas assez attachants, les dialogues sont à la ramasse, beaucoup d'éléments sont superficiels et/ou inintéressants...

Parlons aussi de cet échec qu'est le système de déplacement: outre le lag provoqué par ce dernier, on passe en plus pas mal de temps à heurter des obstacles invisibles, cela ruine l'expérience.

Je vois aussi dans ce recommencement une opportunité de personnaliser 100% des ressources graphiques et sonores du jeu:

je veux un résultat professionnel et une identité propre au jeu.


Au niveau actuel, il est possible que je ne participe pas aux Alex d'Or 2020...
Je veux que ma prochaine démo soit nette et sans bavures, et je ne la sortirai que lorsque j'en serai moi-même satisfait.


À part Sins of Era, as-tu d'autres expériences concernant le développement de jeux vidéo ?

Pas vraiment. C'est juste une passion et un passe-temps.
Lorsque j'étais gamin, je passais déjà énormément de temps sur les éditeurs de carte...
Je n'avais jamais participé à un concours auparavant!


Un mot pour finir ?

Concombre.


Merci à Tohisu pour ses réponses et le temps accordé au concours. Retrouvez la série Sins of Era sur le site.
Réouverture: Interview de Sill Valt
Par Élogio
le 22/01/2019
Aucun commentaire
Bonjour à toutes et à tous. Je vais tenter de faire revivre le blog en proposant du contenu plus régulier.

Aujourd'hui je vous propose de relire cette interview de Sill Valt au cours de laquelle il revient sur l'année où il a présenté Omega Cerberus au concours (2007) ! Cette interview avait été réalisée en 2009 par Lolow mais je pense qu'elle sera plus à sa place ici que perdue dans les très vieilles news.

Je me suis aussi autorisé la correction de fautes d'orthographe ou de syntaxe mais en veillant à ne jamais déformer les propos que je retouchais. J'ai enlevé les passages humoristiques inutiles. Le message d'origine est consultable ici.





Bonjour Sill Valt, pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter brièvement?

J'ai 24 ans, et je participe depuis quelques années à la vie du making sur le net.

J'ai commencé avec un pack de ressources et RPG Maker 2000 déjà quelques années avant de fréquenter les forums/communautés. Quand j'ai eu Internet, j'ai voulu en savoir plus sur ce programme sur lequel je m'amusais. De site en site, je suis arrivé sur RPG Legends. J'y avais alors présenté mes premiers projets. J'ai ensuite découvert la Ligue Des Makeurs Extraordinaires (époque début de la fin), où là aussi j'avais présenté mon projet.

Sylvanor l'avait remarqué et m'avait aimablement demandé de faire partie des hébergés d'Oniro.

Donc voilà, "le dernier des Xanten" était en hébergé sur Oniromancie, mais la tête toujours pleine de projets, j'ai commencé à créer quelques map dans un univers SF, me donnant pas mal d'idées pour une histoire du genre, de là est né Omega Cerberus...

Tu nous parlais du "dernier des Xanten", ton premier projet, pourquoi ne pas l'avoir présenté au concours ?

À dire vrai, bien que participant un peu aux forums, j'étais en même temps très détaché des animations autour de RPG Maker. Je me baladais, poursuivant égoïstement mon jeu.

Car j'ai encore ce plaisir égoïste de créer quelque chose pour me faire plaisir avant tout. Pas pour plaire. J'ai créé "LDDX" dans cet état d'esprit. Quand j'ai pu voir par la suite que mes créations pouvaient plaire, je me suis laissé tenté par le concours.

Non pas dans l'attente d'un quelconque prix, mais pour le plaisir de pouvoir rencontrer d'autres créateurs, partager cette passion qu'est la création vidéo-ludique avec d'autres créateurs amateurs et c'est ce qui s'est passé.
Les Alex ont été très amusants, et ça a été l'occasion de recevoir beaucoup de commentaires et de critiques concernant ma création.

Avec le recul, je suis content qu'Omega Cerberus fut ma première (et dernière?) participation aux Alex d'Or. LDDX me plaisait, mais Omega Cerberus allait plus loin, était plus proche de ce que j'attendais d'un RPG.



Tu as finalement remporté les awards du meilleur jeu argent, de la meilleure immersion et des meilleurs artworks. Tu en as fait quoi, tu les as conservés?

Il y en a un que j'attends toujours ! Meilleurs artworks, je l'ai jamais vu !

Je n'en ai rien fait des deux autres, mais ils me rappellent beaucoup de souvenirs, une belle année de making, une soirée très amusante lors de la cérémonie... Plus que les prix, j'étais content des avis qu'il y avait sur le projet, ça m'avait vraiment fait plaisir.

Image pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes.
Secret (Cliquer pour afficher)


Tu parles d'une soirée amusante lors de la cérémonie, ce qui est un peu l'esprit des Alex d'Or, un concours amateur permettant de récompenser les créations méritantes dans la bonne humeur. Tout le monde ne voit pas forcément le concours de la même manière. Que représentaient les Alex d'Or pour toi quand tu t'es présenté ?

Je n'avais pas fait ce jeu dans l'espoir qu'il plaise au plus de gens possible, je l'avais fait
pour moi. Quand on sort quelque chose ainsi, de ses tripes, une fois qu'il sort de vous et
ne vous appartient donc plus, on se sent comme nu dans une arène.

Les Alex d'Or étaient cette arène, libre au public de décider de mon sort. Mais tout s'est bien déroulé,
l'approche de la remise des prix faisait monter en moi une sorte de stress assez excitant.
Et les Alex, ça représente ça pour moi: un ensemble de créateurs qui se dévoilent, qui se jettent dans l'arène.

Penses-tu que ça décuplait ton envie de créer ? Une sorte d'émulation offerte par une mise en commun de plusieurs visions, plusieurs techniques, dans un but purement amical ?

L'envie de créer est toujours là, au-delà de la technique. Et l'inspiration ne vient jamais à manquer pour peu que l'on garde cette âme d'enfant, cette capacité à rêver, à apprécier les choses qui nous sont offertes dans la vie, à se laisser aller...
Et les rencontres entre créateurs nourrissent la passion.

Et depuis cette session 2007, qu'est ce qui a changé pour toi après les Alex d'Or ?

Au niveau des Alex d'Or, j'étais assez déçu (comme tout le monde) de la session 2008, échec au niveau de l'organisation.

Je ne remettrais pas tout sur le dos du président de la session, car un tel événement ne peut être porté par une seule personne. Il est assez complexe de s'adapter, les idéologies autour de la création sur RM évoluant au fur et à mesure des années.

J'ai toujours une petite crainte en ce qui concerne le futur de la création sur RPG Maker.
Pour les personnes de ma génération, RPG Maker éveille en nous une sorte de souvenir enfantin, celui des premier jeux vidéos, du début de la passion.

Quelque chose que les générations actuelles ne connaissent -quasi- plus.

Mais j'espère me tromper.

Quelle vision as-tu de la création des jeux amateurs depuis ?

J'ai constaté une sorte de déclin de la personnalité. Je sais bien qu'il y a toujours eu des personnes moins ambitieuses que d'autres, mais aujourd'hui les projets intéressants se font de plus en plus rares; il y a moins d'originalité pour plus de facilité.

Et l'arrivée de RPG Maker VX dans les communautés n'a fait que confirmer ce que j'en pense. N'importe quel RPG Maker est un outil magnifique pour les créateurs. Mais il n'est rien si le créateur n'y laisse pas une partie de ses tripes.

Je ne suis pas non plus blasé de ce qui se crée en communauté. Le potentiel y est toujours présent et certaines créations sont toujours attrayantes.

Alors si tu avais un conseil à donner aux nouveaux makers, quel serait-il ?

Aux débutants, je leur dirais en général d'attendre avant de présenter leur projets. La majeure partie des présentations sont bien trop maigres. Le fait de ne présenter qu'une ébauche, quotidiennement, aux joueurs potentiels finit par les ennuyer.

Attendez donc d'avoir une démo bien représentative avant de montrer quoique ce soit, vous aurez automatiquement une meilleure écoute.

Ensuite, et au niveau de la création pure, lâchez-vous.

Quels sont tes projets depuis les Alex d'Or ?

Sur RPG Maker, Omega Cerberus est en stand-by.
S'il m'arrive de temps en temps de le retoucher, j'ai peu d'espoir quant à l'arrivée d'une démo future.

Mais Omega Cerberus est plus qu'un simple jeu pour moi. C'est un projet qui est né, que je continue de nourrir, et qui est toujours non loin de mes pensées. Les idées continuent d'évoluer, de se mélanger, de se modifier... Qui sait où le projet en sera dans quelques années?

Sinon, il m'arrive de temps en temps de rouvrir RPG Maker, le temps d'une envie, d'une détente, d'un espoir.

En 2009, Sill Valt reparticipera au concours avec Croix Celestes, un jeu qui lui vaudra le prix "Coup de cœur du public" mais qui sera jugé trop court pour obtenir d'autres prix. Sill Valt rejoindra le jury la même année. Depuis, il n'a plus foulé le sol du concours mais aura laissé un héritage que nous espérons vous avoir donné envie de découvrir, que ce soit Omega Cerberus ou Croix Celestes.

Ouverture, et Interview de Bradgeone
Par AlexRE
le 16/09/2016
2 commentaires
Bienvenue à tous sur le blog des Alex d'or ! Cet espace sera l'occasion de proposer des contenus plus rédactionnels et transversaux, d'analyser les différentes époques du RPG Making, et de partager quelques souvenirs lors d'interviews !

Pour commencer sur les chapeaux de roues, voici une interview de Bradgeone, auteur de la série des Dyhortfight !




Bradgeone, tu es un des plus vieux makers, à tel point que tu es probablement le seul maker encore actif qui ait participé à la toute première session du concours, en 2001 ! Que te rappelles-tu de cette première session des Alex d'or ?

Cette session était vraiment particulière, car tout était nouveau au point de vue making. Je me souviens qu'il y avait très peu de jeux, et la plupart n'était pas très aboutis, voire même n'étaient qu'une simple intro.

Je me disais que j'avais largement mes chances jusqu'au moment où j'ai téléchargé Dark Soul. Et là c'était la douche froide, on changeait complètement de catégorie. J'étais complètement admiratif et surpris de voir jusqu'où on pouvait pousser RPG Maker (2000 à l'époque).

Je savais que je n'allais rien gagner (ça c’est vérifié) mais j'étais vraiment content de voir qu'un tel résultat était possible. Petit détail amusant, Dark Soul à l’époque avait été nominé dans la catégorie humour, là j’avoue que j’ai jamais compris ce qu’il s’était passé dans la tête des jurés.


Le succès de Dark Soul, qui continue de faire parler de lui, n'est donc pas sur-estimé, selon toi ? Est-ce qu'il reste, aujourd'hui encore, une référence sur RPG Maker ?

Bien sûr, hors contexte, Dark Soul n'est pas si impressionnant que ça. On en voit même rapidement certaines limites. Le personnage principal est tiré de Rudra no Hihou, les musiques de Chrono Cross etc. Quand on connait les jeux on rentre moins dedans. Le système de combat était aussi trop lent et perfectible, le gameplay pas très recherché et il y avait pas mal de longueurs.
Mais il faut voir les productions concurrentes de l'époque, le fossé était énorme.
Techniquement déjà, et niveau scénario puisqu'il offrait un scénar très sombre, jamais vu avant, ni dans les productions amateurs RPG Maker, ni même dans les pros (certaines scènes étaient même trop trash).

Si on regarde avec les yeux d'un joueur de 2016, un Aëdemphia par exemple est au dessus à tout niveau et de très loin, au point du vue de la réalisation.

C'est un peu la même entre celui qui découvre FF6 en 1994 et celui qui le découvre en 2016. Ils n'auront jamais le même ressenti.


Es-tu nostalgique de cette époque du making ? Quelle période dirais-tu avoir préférée ?

Beaucoup de nostalgie, ce qui est normal. La période que j’ai préférée était le début du making car tout était à découvrir, chaque jeu que je testais était une surprise. Le premier CBS, le premier Zelda... Il y a eu un gros tournant après Dark Soul, qui a tout tiré vers le haut. Des jeux comme Shadows of Sun sont apparus (avec ses villes très vivantes) ou encore The Borderline...
Puis Aëdemphia, Fairytale et mon préféré, Star Océan 0. D'autres jeux étaient très aboutis au niveau de l'univers comme les Laxius Power, ou très drôle comme les ADA.

Ma période préférée était celle-là, de 2002 à 2006, je me prenais claque sur claque en découvrant les nouveaux projets qui arrivaient. Le revers de la médaille est qu'il y avait très peu de jeux qui aboutissaient à une version complète.

Après 2007 j'ai commencé à décrocher, même si certains jeux plus tard m'ont bluffé comme The Bloody Story of A Black Dressed Autistic.
Je ne dirais pas que les productions actuelles sont moins bonnes, loin de là, mais avec le temps on est forcément moins surpris.


Quel jeu RM as-tu adoré et penses-tu qu'il a été trop oublié/boudé, qu'il n'a pas eu le succès qu'il mérite ?

J'ai pas beaucoup de noms en tête, mais si il devait y en avoir un ce serait REPIM X-2000. Un jeu humoristique sans prétention, avec une réalisation faible, mais un humour très efficace.
En fait c'est un des rares vraiment humoristiques, dans le sens, pas un jeu private joke qui ne fait rire que la commu de laquelle il sort (il y a eu un paquet des comme ça).


Quel est ton avis sur les jeux DarkSoul.ace et DarkSoul.ace2 qui se moquent des RPG classiques aux scénarios répétitifs et kitschs ?

Ça date, j'avoue que je me souviens plus trop. Ça m'avait bien fait rire à l'époque. Il y avait une épidémie de "Kete des kristo" et c'est vrai que ça devenait la blague récurrente de se moquer de ça.
D'ailleurs le Final Fantasy que j'ai testé sur Android (Brave Exvius) est encore à base de cristaux, comme quoi...




Award de Shin pour Bradgeone, session 2013



Tu crées la série Dyhortfight depuis tout ce temps : te doutais-tu à l'époque que ça durerait autant de temps ? Combien de chapitres sont prévus pour cette série ?

A la base 5 chapitres, je comptais en faire un par an, ce qui était très ambitieux (et irréaliste). Je me souviens que pour le chapitre 3, qui a demandé énormément de travail, j'étais coincé 6 mois dans un coin perdu du Jura pour un stage sans internet ni télévision, ni aucune connaissance sur place. Je finissais à 17h30 et je n'avais rien à faire dans mon studio le soir, c'est comme ça que j'ai pu avancer très rapidement. A la fin de mes études, mon temps s'est considérablement réduit.
Après un mariage, une création d'entreprise et un enfant, autant dire qu'il reste plus grand chose.


"Du point du vue scénaristique, je n'avais pas compris qu'on ne devait pas créer en premier des personnages, mais des relations."



Avec du recul, aurais-tu fait différemment les premiers chapitre de cette série ? As-tu envisagé de les remasteriser ?

Le chapitre 1 est une catastrophe à tous les niveaux, que ce soit technique ou scénaristique. Normal, étant donné que c'était mon premier jeu, et qu'à l'époque il n'y avait pas des tonnes d'exemples à étudier (un CBS était très rare).
Pour donner le niveau, le CBS du chapitre 1 contenait une carte par type de monstre, avec tous les événements du CBS dupliqués sur chaque carte.
Du point du vue scénaristique, je n'avais pas compris qu'on ne devait pas créer en premier des personnages, mais des relations. J'avais donc plein de personnages qui n'avaient presque pas d'interaction ou de lien entre eux. La moitié ne servaient à rien.



Système de combat du chapitre 1


Pour le chapitre 2 j'ai créé un "vrai" CBS flexible, qui permettait l'ajout de monstres, de persos, de fond de combat, de techniques très rapidement. Je l'ai d'ailleurs gardé tel quel pour le chapitre 3 et 4. Ça m'a fait gagner énormément de temps d'avoir un moteur comme ça.

Pour le scénario j'ai tout simplifié pour faire intervenir que 3 personnages principaux, ce qui est beaucoup plus simple à gérer.
J'ai mis aussi très longtemps avant de comprendre comment on construisait une ville. Et avant le chapitre 4 mes villes ne ressemblaient à rien, très vide alors que j'y passais du temps.
Pour un remaster oui j'y ai pensé, car il y a des choses à faire. En fait jusqu'au chapitre 4 je ne suis pas satisfait.


Quels livres (ou autres médias) t'ont le plus inspiré et pourquoi ?

A l'époque je lisais moins que maintenant, mais il y a quand même deux auteurs que je lisais régulièrement. Asimov et Stephen King.
Asimov m'a inspiré quelques points, par exemple dans le chapitre 1 de Dyhortfight, un dragon est en avance permanente de quelques secondes dans le temps. C'est inspiré de chrono minet, une nouvelle d'Asimov.
Quelques éléments de 1984 également, avec le règne du dictateur Sleipnir qui a un contrôle sur tout et qui récrit l'histoire.
On m'avait également presque menacé pour que je lise Harry Potter, livre qui me donnait pas du tout envie car je pensais qu'il était uniquement orienté 10-12 ans. Et j'ai eu la surprise de beaucoup aimer l'univers.
D'ailleurs dans le chapitre 3 de Dyhortfight une école de magie directement inspiré de Happy Potter existe.
Mais ma plus grande inspiration reste la mythologie grecque. J'ai lu pas mal de livre dessus dont les très célèbres "Iliade" et "Odyssée" d'Homère. Les personnages mythologiques sont nombreux dans Dyhortfight (Médusa, Persée etc.), et les dyhorts sont inspirés des dieux de la mythologie. J'ai lu également pas mal de livres sur la mythologie Nordique et plein de personnages sont inspirés de ces livres où ont des noms tirés de cette mythologie (Sleipnir, Loki, le Dyhortfight est d'ailleurs directement inspiré du Ragnarok ...).




Système de combat du chapitre 4




Tu dis que tu as créé ton entreprise... As-tu envisagé de faire de la création de jeu vidéo ton métier ?

Oui j'y ai largement pensé. J'ai même lancé quelques tests (des petits jeux créés en quelques jours sur mobiles). Un a pas trop mal marché, un petit jeu bidon de tir au but fait en 2-3 jours. 54 000 téléchargements, dont pas mal aux USA.
Ça a l'air pas mal comme ça, mais ça ne rapporte en réalité que peu d'argent (gratuit avec pub), et une entreprise à besoin de beaucoup d'argent pour vivre. De plus le marché du jeu (mobile ou non) est plus que saturé, il est même au bord de l'explosion, un peu comme dans les années 80 avec la grande crise des jeux vidéo (quasi tous les studios ont fermé suite à une avalanche de jeux qui ont bouché le marché).
Je déconseillerais fortement à quelqu'un de se lancer dans le jeu vidéo pro à la légère car c'est difficile d'en vivre et de plus c'est un marché imprévisible. Il faut faire concurrence à du Final Fantasy ou du Pokémon GO, qui sont gratuits.
Il reste le crowdfunding comme solution, à condition d'avoir une bonne communauté derrière soi.


Que penses-tu de l'évolution de la création de jeux amateurs ? As-tu changé ton regard sur RPG Maker avec la mouvance indé de ces dernières années ?

Avec les années, beaucoup de choses ont changé. Déjà j'ai vu un très grand nombre de RPG, forcément c'est plus compliqué de me surprendre. Puis le RPG en lui-même (du moins à la japonaise) n'a plus vraiment la côte.
On est plus dans les parties courtes (online, mobile) et nerveuse. Chez les pros les RPG à la japonaise sont presque morts, Final Fantasy ne vaut plus grand chose (à voir le 15), Star Océan idem, plus de traces de Suikoden, Wild Arms, Breath of Fire. Dragon Quest se perd dans des spin off. Je me souviens plus m'être amusé sur un RPG jap depuis des années (le dernier est Tales of Vesperia).
D'ailleurs, c'est amusant, dans les Alex d'or les gagnants sont rarement des RPG traditionnels (The Bloody Story, Asylopole, Bleeding Moons). Alors qu'avant il y avait du Aedemphia, SO0 etc.




Menu du chapitre 3



As-tu joué à Off, qui est justement un RPG traditionnel ? Sa traduction en anglais a engendré un succès impressionnant et une communauté de fans au delà de toute espérance pour un jeu RPG Maker. Qu'est-ce que cela t'évoque ?

J'ai joué à Off à l'époque mais malheureusement je ne l'ai jamais fini. Pas par manque d'envie mais par manque de temps. J'ai trouvé le jeu bon, avec une réelle identité, mais qu'il cartonne comme ça j'ai été surpris.
Par contre le fait de le faire en anglais est obligatoire pour avoir un jeu qui cartonne.

A noter que Laxius Power avait fait ce choix également à l'époque, et qu'il avait bien marché dans les communautés anglophone, alors qu'il avait un gros problème de reconnaissance dans la communauté francophone.

Quand au fait que ce soit un jeu RPG Maker qui cartonne, je pense que le joueur s'en fout du logiciel. Il pourrait y avoir bien plus de jeu RPG Maker sur le devant de la scène, mais la moyenne d'age des créateurs est assez basse, et la plupart ne font ça que par passion (comme moi), et non pas par volonté de gagner de l'argent avec, et donc d'en écouler le plus possible (ça a surement changé, mais il y a quelques années c'était très mal vu de ne serait ce qu'en parler).


"Quand je disais qu'un jour je ferais un jeu, tout le monde rigolait. A l'époque c'était comme si tu disais que tu voulais être astronaute."



Toi qui es un "ancien maker", as-tu des conseils pour ceux qui viennent de rejoindre la communauté ?

Le seul conseil que je pourrais donner, c'est de se fixer des objectifs raisonnables.
Je me souviens quand je jouais à la Megadrive (ça date), et que je disais qu'un jour je ferais un jeu, tout le monde rigolait. A l'époque quand tu disais ça, c'est un peu comme si tu disais que tu voulais être astronaute.

Pourtant faire un jeu est maintenant à la portée de tous. Par contre très peu savent gérer leur temps et leurs ambitions. Passé la période étude, le temps devient précieux et les préoccupations ne sont plus les mêmes. Il faut profiter de ce temps qu'on a en trop (ça dépend des études aussi) pour faire aboutir son projet, même s'il n'est pas aussi bien qu’on l’avait imaginé avant de le commencer.
Réussir à planifier et terminer un projet RPG Maker vous apprendra énormément de choses pour la suite, car tout est une question de temps dans la vie.




Système de combat du chapitre 2



Si tu devais recommencer un jeu de zéro, quel genre de jeu ce serait ? Garderais-tu RPG Maker ?

Surement un jeu de gestion. C'est mon genre préféré avec les RPG (Civilization 5 est un de mes jeux fétiches, vivement le 6 !, même si je viserais quelque chose de beaucoup plus simple évidemment).
Je ne garderais donc pas RPG Maker qui n'a aucun intérêt pour un jeu de gestion, j'utiliserais un moteur qui permet d'exporter facilement son projet partout (Unity ou autre).


Tu dis que "le RPG en lui même (du moins à la japonaise) n'a plus vraiment la côte", est-ce que tu penses que le problème est dû plutôt à l'offre ou plutôt à la demande ?

Je dirais les 2. Bon, tout ceci n'est que mon opinion bien sûr.

Déjà l'offre a clairement baissé, la faute aux coûts de production qui ont explosé ; surtout depuis la période PS3/XBox 360.
Même si maintenant les moteurs AAA deviennent moins chers et plus accessibles (d'ailleurs, quasi plus personne ne fait le sien, la plupart des jeux utilisent les mêmes). Le RPG est de loin le genre de jeux le plus cher à développer. Créer tout un univers du niveau d'un FF7 est très compliqué et a très peu de chance d'être rentable vu les sommes engagées (d'où un remake en morceaux).
Le résultat c'est que la plupart des franchises RPG ont été abandonnées, d'abord sur console de salon, puis même sur console portable.
Et celles qui restent sont de qualités moindres. J'ai halluciné en jouant à FF13, un couloir tout le long. C'est sûr que c'est plus facile à modéliser qu'une ville. Mais il est loin de valoir un FF6, 7, 8, 9, 10, 12.

Pour se rendre compte que l'offre a baissé, il suffit de jouer à un ancien RPG (jamais fait avant). Je me suis fait par exemple Persona 4, l'année dernière (sorti en fin de vie de la PS2), et j'ai adoré. Donc je me suis pas lassé des RPG en tant que tel (même si Persona est vraiment particulier comme RPG), mais je me suis lassé des RPG actuels.

D'un autre côté, la demande a clairement baissé également. Chaque période a son genre fétiche, qui a une bonne demande tout en étant rentable à produire :
  • Pour la période 8 bits, c'était le jeu de plateforme, porté par Mario et Sonic (et Alex Kid, Tortues Ninja, Duck Tales, Rescue Ranger, tous les jeux Disney...). Ce qui était logique, vu la puissance des machines et l'âge moyen du joueur de jeux vidéo, très jeune.
  • Pour la période 16 bits, c'était le jeu de combat (versus et beat them up) porté par le jeu phare de l'époque, Street Fighter, mais aussi Mortal Kombat, Fatal Fury, Final Fight, Street of Rage, Turtles in Times, Killer Instinct, DBZ puis les jeux Neo Geo (que je rentre volontairement dans la catégorie 16 bits) avec les KoF...
  • Pour la période 32 bits, c'était l’apogée du RPG avec évidemment FF7, Suikoden, Chrono Cross, Grandia et de très nombreux autres. Le support CD a bien aidé.
  • Pour la période PS2, c'était le jeu spectacle, là où on a commencé à moins jouer et plus regarder, car le moteur de jeu permettait enfin une vraie mise en scène avec du doublage etc.
  • Pour la période PS3/Xbox 360, c'était la génération FPS
  • Et là on est en pleine métamorphose du jeu avec le mobile qui explose (même Nintendo s'y met !) et le online. Maintenant un jeu se pense avant tout en multi.
  • La prochaine génération de jeu sera peut être la VR ??
Je pense donc que le joueur de maintenant ne veut plus passer 40 heures tout seul à taper du monstre (même si un jeu comme Skyrim a cartonné). Il veut le faire en équipe, ou se mesurer à d'autres êtres humains, si possible en session courte. (5 - 30 mns).
Car il a plein d'autres choses à faire à côté, et même sur son ordi il n'a que l'embarras du choix (regarder des séries, essayer des milliers de jeux gratuits, télécharger des films, des BD, des livres, regarder des vidéos Youtube, communiquer sur Facebook et autres. Quand tout est gratuit, il y en a des choses à faire...).
Cependant, comme le jeu de plateforme avait disparu pour revenir (avec les jeux indés notamment), le RPG pourrait revenir à la mode dans quelques temps, sous une autre forme (VR ?).


Peut-on donc s'attendre à ce que le prochain chapitre de Dyhortfight soit jouable en VR ?

Je vais appliquer à moi même le conseil que j'ai donné. Rester réaliste dans ses ambitions


Merci à Bradgeone de nous avoir accordé du temps pour cette interview, et à vous de découvrir la série des Dyhortfight !
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