Interview des makers de la session 2011
par Dawn
Note d'AlexRE : Ci-dessous une grande interview croisée entre 11 concurrents de cette session 2011. Elle a été gentiment réalisée par Dawn, qui se décrit lui-même comme étant "un maker vétéran (lauréat des derniers Alex d'Or avec le jeu Arcanae:Impure ep1) et reporter pour le site Pandora Création, où il a notamment écrit des tests et des articles pour débuter dans le making et pour donner des trucs aux makers en s'inspirant des jeux commerciaux". Le constat de ces interviews y paraît assez triste, mais les avis se montrent variés et caractéristiques de notre époque. Bonne lecture.



Avatar de Dawn Bonjour à tous.

Pour ceux d'entre vous qui n'en ont pas entendu parler, j'ai entrepris, en marge des Alex d'Or, une grande interview de tous les participants. Le but est de voir un peu ce qu'ils pensent du making, et leur position sur un grand nombre de points, en espérant que les communautés et les autres makers puissent ainsi prendre en compte leur vision des choses. Bref, c'est un grand sondage d'opinion réalisé sur les forces vives du making, les makers qui se lèvent tôt et tout et tout :-p.
Plus sérieusement, il me semble que les réponses révèlent certaines forces et faiblesses de la communauté et rappellent à tous les makers ce qui est au centre de leur passion: le lien entre le créateur, son jeu et le joueur, lien primordial qui doit passer avant toute considération technique, et qui est parfois oublié.

Vu la taille de toutes ces interviews, voici une sorte de résumé, la "revue de presse" que j'en ai fait pour tenter de voir les grandes tendances qui se détachent de ces opinions. Rien à valeur scientifique bien sûr, et je suis peut-être très subjectif- d'ailleurs, ma surprise est parfois apparente quand je rapporte certaines choses que m'ont fait découvrir ces interviews. Mais, parce qu'il me semble que ce n'est pas suffisant, je laisse aussi en lien un fichier contenant l'ensemble des interviews, pour que chacun puisse se faire son idée de ce que pensent les makers de nos jours.


Question 1: Quelle est la place du making dans ta vie? Comment envisages-tu le statut de maker et quelle place tient ce statut dans ton quotidien (par exemple, quelle place tes amis ou ta famille attribuent-ils au making? Hobby? Art? Jeu?)

J'avais commencé par une question un peu complexe, qui n'a d'ailleurs pas toujours été comprise comme je l'aurais voulu. Mais c'était un sujet qui m'intéressait et dont il me semble qu'on ne parle pas assez dans la comunauté. Les réponses sont d'ailleurs très intéressantes à mon avis.

Pour simplifier, deux tendances se dégagent. D'un côté, certains comme TaZ voient dans le making un simple hobby, qu'il ne faut pas surévaluer: pour lui, c'est "une évasion" qui lui permet de penser à autre chose et de s'amuser; son propos rejoint d'une certaine façon celui de Ptidur, qui insiste sur le fait de créer "lorsqu'on a envie de créer". Cependant, ils sont minoritaires, et pour la plupart des créateurs interrogés, le making prend dans leur vie une place importante. Les heures de travail que demande le logiciel, et l'investissement notamment dans la communauté, donnent une grande ampleur au making dans leur vie, soit comme medium unique, soit, comme c'est le cas pour Elm6 ou Seb Luca, dans une vie créative variée dont il constitue un maillon important. Dans ce cas, c'est souvent son accessibilité -la possibilité de monter un jeu multimédia sans talent de graphiste ou de programmeur- qui fait son attrait. Cela ne va pas sans difficultés, et l'accueil du making par les proches semble mitigé: si les parents de Fulgur considèrent ce loisir créatif comme bénéfique, ses amis semblent plus réticents, et les parents de Up ont eux aussi adopté une position défavorable vis-à-vis de ces heures de "jeu d'ordinateur". Cela explique sûrement en partie la réserve des makers qui, à l'image d'Elm6, semblent ne pas associer beaucoup leurs proches au making.

Il en ressort, en résumé, une image du maker comme créateur, artiste à sa manière, qui consacre une grosse partie de sa vie au making, mais en isolant en partie son activité de ses proches, car ceux-ci oscillent entre considérer cette activité comme un jeu-vidéo ou un véritable loisir créatif.


Question 2: Quand tu travailles sur ton jeu, comment fais-tu pour savoir que ce que tu fais est bien? Tu as des testeurs? Tu postes sur des forums?

Une question sur l'objectivité et sur la façon dont les makers voient leur production. Je pense que c'est un point important parce que c'est à cela que pourraient surtout servir les communautés, et c'est à cela qu'elles tentent de servir en grande partie.
Et le bilan est assez fortement en leur défaveur: certes on les utilise, mais ils sont secondaires, et personne parmi les makers interrogés n'a répondu qu'ils étaient l'étalon de son travail. Certains se fixent des objectifs personnels, soit en tant que makers, comme Fulgur qui "ne make que pour lui-même", soit en tant que joueurs comme Elm6 qui tente de "créer le jeu auquel il aimerait jouer". D'autres demandent leur avis à des proches, un petit frère, un père... mais les testeurs au sein de la communauté ne sont pas souvent mentionnés, si ce n'est par Emixam2, qui utilise uniquement les tests des forums pour se parfaire ou Elm6, qui ajoute une ligne sur les rencontres qu'on peut faire dans la communauté.
Mais dans l'ensemble- et j'avoue que ça me surprend un peu personnellement, car j'aurais quant à moi tout de suite mentionné certains makers à qui je demande avis et tests très tôt dans le processus créatif- les makers semblent plutôt travailler seuls ou dans un cadre restreint qui ne comprend pas beaucoup la communauté. Pour comprendre cela, peut-être faut-il se référer à ce que dit Monos de la question: "[présenter mon projet à la communauté]est très démotivant pour moi. Beaucoup de monde n'aime pas ce que je fais en général, ou alors quand ça plait, ça pinaille sur des trucs que moi je n'aime pas !"... cela dépend bien entendu des gens, mais la communauté ne fait pas l'unanimité quant à la sagesse de ses commentaires.


Question 3: Quel aspect du making te plait le plus, et lequel te déplait le plus?

La première chose qui ressort des réponses des makers est que rien ne leur déplait vraiment dans le making, si ce n'est le fait que la diffusion de leur jeu fait toujours des insatisfaits et que pour contenter certains commentateurs -trolleurs? soyons méchants ;-)- il faudrait passer deux heures sur chaque détail.
C'est d'autant plus dommage que ce qu'aiment les makers, ce n'est pas vraiment la partie technique (Seb Luca n'aime pas scanner ses dessins) mais bien plutôt, pour faire plaisir aux organisateurs de nos Alex d'Or, l"âme du jeu". Faire vivre une histoire par une mise en scène bien ficelée et un bon scénario, créer un univers enchanteur avec le mapping, et donner une vraie expérience au joueur grâce à des systèmes qui sont aussi un défi en termes de programmation: voilà les préférences des makers.
C'est peut-être en mettant l'accent sur ces choses simples que le making peut prendre toute son ampleur, parce que, foi de joueur, c'est aussi ce que cherchent ceux qui ouvrent un jeu RM: si on voulait de superbes graphismes, on pourrait aller jouer à un jeu commercial. Bref, aspect dur à mettre en valeur, cette volonté d'immersion du joueur est cependant le but que se fixent les makers, comme le résume Up: "Mon but « ultime » en faisant un jeu c’est que le joueur prenne du plaisir en y jouant". Si simple, et si difficile pourtant... :-p


Question 4: joues-tu aux jeux amateurs des autres? Aux RPGs commerciaux? Comment cela affecte-t-il ta propre façon de faire?

Question simple mais réponse complexe. Certes, la plupart des makers sont aussi des joueurs, avec au moins quelques expériences de jeu. Cependant, une bonne partie semble peu intéressée par les jeux amateurs, par exemple TaZ, qui dit tout net: "Les jeux amateurs sont très peu attrayants: on y retrouve beaucoup trop de défauts"; tous ne sont certes pas aussi catégoriques, mais dans l'ensemble les jeux amateurs n'ont pas trop la côte. Par ailleurs, la façon dont les makers s'inspirent d'autres jeux reste très dépendante des préférences personnelles, ce qui est à la fois normal et révélateur d'une forte hétérogénéité dans le "culture" des différents makers. Chacun a ses goûts, ainsi de Monos qui aime les rpg SNES purs et durs, et surtout tous semblent donner une grande importance à leur indépendance en tant que créateurs. Chacun sa façon d'utiliser ce qu'il découvre, de l'inspiration directe au simple clin d'oeil, comme ceux qu'affectionne Seb Luca dans ses jeux. Ptidur est à ce titre le plus radical: "D'aucune manière, dit-il, les jeux amateur ne m'apporteront des idées, je veux garder un univers unique, qui se démarque des autres"


Question 5: Quelle est la place de la/des communautés dans ton travail? Que regardes-tu sur les forums et sites? Que t'inspirent ces communautés? (pas trop de noms non plus hein?)

Les communautés, dont on a vu qu'elles n'étaient pas vraiment une source de testeurs (cf question2) sont utilisées diversement.
Pour certains, c'est "service minimum", et les sites et forums servent à trouver des scripts ou à poser des questions
. D'ailleurs, la communauté francophone s'en sort plutôt bien dans ce domaine, et récolte les compliments de Up, qui a toujours été bien aidé quand il posait des questions. Ce n'est pas négligeable, d'autant plus que c'est une source de gros travail pour ceux qui se chargent de répondre, et par exemple Monos sacrifie une grande partie de son temps à cette tâche. Mais il faut croire que c'est utile ;-). Emixam2 avance même un chiffre: les interactions avec la communauté pour lui représenteraient 40% de la création d'un jeu
Pour d'autres, la communauté est un lieu d'échange, entre des gens qui se comprennent, ou, pour reprendre l'expression de Seb Luca "comprennent qu'on puisse rester assis des heures devant son PC à créer et d'avoir l'impression que seules 10 minutes ont passé :D". Important lieu de rencontre, elle permet des "échanges entre makers" pour Elm6, et de mieux se comprendre entre créateurs de jeux. Bref, c'est parfois superficiel, et le mot "flood" revient souvent, mais c'est enrichissant.
Néanmoins, Myrmecia remarque quand même que certains points importants, notamment l'originalité, ne sont pas vraiment au coeur des débats, et d'une façon générale, le making dans sa profondeur semble un peu laissé de côté sur le net au profit de points techniques ou de discussions plus légères...


Question 6: Comment as-tu débuté dans le making? Vois-tu des moyens d'améliorer l'intégration des jeunes makers, problème qui se pose toujours?

Je vais laisser ceux que ça intéresse lire les histoires personnelles, mais dans l'ensemble, c'est bien le bouche à oreille qui fait le making. Cela n'empêche pas cependant de très nombreux jeunes makers à débuter, toujours plus nombreux même. Mais dans l'ensemble leurs aînés semblent plutôt optimistes, et ne voient pas de gros obstacles à leur intégration, à condition qu'ils aient les qualités requises pour le making: patience, curiosité et discipline surtout. La communauté fait quant à elle plutôt bien son travail, même si Elm6 trouve qu'une certaine tension nait d'un rejet un peu vif des premiers projets, qui ont toujours été et seront mauvais au départ -et chacun reconnait que ses débuts n'étaient pas brillants, parmis nos grands makers d'aujourd'hui. En bref, c'est plutôt l'enthousiasme de ces nouveaux makers que retiennent les réponses, témoin Monos qui rappelle que les nouveaux sont les plus féconds producteurs, même s'ils sont toujours indisciplinés à leurs débuts.

Enfin, en marge de ces questions, je laissais aux makers la possibilité de transmettre d'autres messages plus personnels ou sur d'autres sujets. J'en retiens surtout qu'ils ne sont pas trop intéressés, à part Monos, par les questions traditionnelles (RTP/Rip/custom...) qualifiée par Elekami de "débats sans queue ni tête". Voilà pour eux :-p. Après, je laisserai à ceux que ça intéresse le soin de lire chaque participation dans les détails.

Je remercie tous ceux qui ont accepté de répondre à mes questions pour le moment: Monos, Elekami, Myrmecia, Seb Luca, Elm6, Emixam2, TaZ, Up, Fulgur, Ptidur et Sriden. Je continuerai à publier des commentaires si d'autres makers me répondent et me proposent d'autres visions, ou si ceux dont je rapporte ici à ma sauce les propos veulent ajouter ou corriger quelque chose à ma version des faits. Si vous avez répondu à l'interview mais que je ne vous ai pas mentionné, envoyez-moi un MP s'il vous plait, j'ai peut-être fait une erreur, auquel cas vous aurez les honneurs d'un prochain article ;-).

Voilà, bon making à tous et vivent les Alex d'Or et le vivier de makers vivants et décidemment sympathiques que composent les participants!

Dawn

Avatar de Elekami Avatar de Elm6 Avatar de Emixam2 Avatar de Fulgur Avatar de Monos Avatar de Myrmecia Avatar de Ptidur Avatar de Seb Luca Avatar de Sriden Avatar de Taz Avatar de Up

À télécharger :
Fichier contenant l'ensemble des interviews (.odt)
Fichier contenant l'ensemble des interviews (.doc)